A l’heure où la programmation européenne est en train de s’écrire pour la période 2021-2027, notamment à travers les plans stratégiques nationaux délimitant la future PAC, le Parlement rural français se rassemblait le 22 janvier autour de la commission Europe. Le webinaire, bien suivi, a offert un temps d’échanges très constructif, basé sur la place du développement rural dans les politiques européennes. Les propositions émises seront directement transmises à la Commission européenne.
La ruralité ne se limite pas au monde agricole, loin s’en faut. Et il est temps de lui trouver la place qu’elle mérite dans les politiques européennes et dans la Politique agricole commune. C’est, en substance, l’idée forte qui est ressortie de la commission Europe du Parlement rural français, qui s’est rassemblée (virtuellement) le 22 janvier dernier. Cette session a permis de réunir un large panel d’acteurs (plus de cent-vingt participants), à l’image de la diversité des membres qui composent le Parlement rural français : élus locaux, européens, associations, universitaires… La réunion se tenait, par ailleurs, à un moment clé de la programmation européenne 2021-2027, puisque la France va remettre en juin à la Commission européenne son plan stratégique national, auquel contribue le Parlement rural français.
La vision européenne à long terme
Parmi les cinq objectifs stratégiques affichés par l’Union européenne pour la programmation 2021-2027, apparaît celui de créer « une Europe plus proche des citoyens ». La Commission européenne a ainsi lancé en novembre 2020 une vaste consultation publique pour une vision à long terme des territoires ruraux européens, souhaitant par là donner la parole aux acteurs de terrain. David Lamb, du réseau européen de développement rural, abonde : « La vision du développement rural ne doit pas venir de Bruxelles mais de manière ascendante. »
L’action de Leader France, membre co-fondateur du Parlement rural français et qui en pilote la commission Europe, contribue grandement à « incarner l’Europe dans chaque commune, dans chaque village de France : « depuis trente ans, le programme Leader a permis de s’organiser autour de stratégies locales de développement coconstruites par les acteurs locaux », a présenté Thibaut Guignard, Président. Comment cet outil connu et reconnu peut ouvrir le débat de la ruralité et contribuer à l’afficher au rang des priorités dans la vision à long terme ?
Pour une « ruralisation » des politiques européennes
Trop absente du paysage médiatique, l’Europe touche pourtant les citoyens de près, en particulier à travers la question transversale des ruralités. Le Parlement rural français souhaite à cet égard « ruraliser » les politiques européennes : le développement rural ne doit pas être limité au second pilier de la PAC, car il entre en résonnance avec des problématiques de territoire bien plus larges, comme la question de la mobilité, de la santé, de l’accès aux services publics, de l’accès au numérique… « Les ruralités sont une partie des solutions aux différentes problématiques de société », assure le président de Leader France. Les territoires ruraux incarnent parfaitement l’idée de résilience si en vogue actuellement.
Et Yolaine de Courson, députée à l’Assemblée nationale, de défendre tout le potentiel des campagnes françaises : « La pandémie que nous traversons offre également une formidable opportunité : beaucoup de jeunes couples cherchent à venir s’installer dans les campagnes, il faut pouvoir leur offrir une vision riche de ces territoires. »
Cette vision élargie doit évidemment se traduire par une meilleure répartition des fonds européens avec une synergie renforcée entre le second pilier de la PAC et la politique de cohésion pour le développement des territoires ruraux.
Irène Tolleret, députée européenne, présente la compréhension du Parlement européen : « Le budget de la PAC est maintenu voire légèrement augmenté, les schémas pré-existants continuent, il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur ce point. En revanche, il est évident que l’agriculture est plus évoquée que la ruralité dans la réforme de la PAC. »
Et c’est bien là que le bât blesse. Si, dans la forme, les fonds Leader dépendent du ministère de l’Agriculture, sur le fond ils dépendant davantage du ministère de la Cohésion des territoires. Cette dualité constatée par tous doit être dépassée pour atteindre cette transversalité qui caractérise la ruralité, enfin faisant en sorte que chaque fonds européen ait une partie fléchée de manière systématique vers le développement rural.
La Commission européenne demande aux États membres de renforcer les instruments territoriaux : « Il s’agit de penser de nouvelles formes de gouvernance locale afin de prendre en compte les besoins particuliers du terrain », avance Alain Dumort. Pour le représentant régional de la Commission européenne, il est important de préserver l’enthousiasme des GAL (groupes d’action locale) mais aussi de ne pas négliger le problème des retards de paiement. Une stratégie peut consister à mettre en place des indicateurs de veille dans différents domaines (pour préserver la biodiversité par exemple) et des instances de co-construction. Renforcer l’outil Leader en quelque sorte.
Solutions pratiques et perspectives
Les ateliers qui se sont tenus en fin de commission ont permis d’aborder les pistes de travail du « réseau PAC », émanation naturelle et suite logique du réseau des GAL puis des réseaux ruraux. Parmi les demandes et les attentes des acteurs de la commission, il est apparu urgent et nécessaire d’élaborer un référentiel commun sur ce que représente la ruralité, thématique sur laquelle travaille l’association des maires ruraux, et dont le rapport rédigé par la mission « agenda rural » du ministère de la Cohésion des territoires fournit une bonne base. « Nous manquons de faits et chiffres sur la ruralité au niveau européen. Pourquoi ne pas réaliser une vaste étude qui permettrait de mieux connaître la réalité contrastée des territoires ruraux européens et, derrière, obtenir une attribution mieux ciblée des fonds ? », interroge un élu.
Un problème majeur soulevé par les participants concerne l’ingénierie insuffisante qui pénalise les territoires ruraux : « Nous manquons de procédures adaptées aux « petits projets », pointe Victor Provôt, maire de Thiron-Gardais (région Centre-Val de Loire), il est important de sensibiliser la Commission européenne au besoin d’avoir des procédures adaptées. Il pourrait y avoir des guichets départementaux en aide à la demande et à la gestion des fonds. »
Autre problème soulevé : le manque de représentativité de l’Europe sur les territoires : pourquoi existe-t-il seulement deux instances représentatives en France ? Dont aucune en territoire rural ? Par ailleurs, il faudrait davantage qu’une trentaine de maisons de l’Europe, qui pourraient facilement être intégrées à des maisons France Service. Autant de demandes qui seront relayées à la Commission européenne et soulignées dans la contribution au Plan stratégique national.
Autre piste à privilégier pour l’avenir : penser davantage la coopération entre territoires urbains et ruraux, à l’image des contrats de réciprocité ville-campagne démarrés en 2015 (Brest Métropole a par exemple développé ce type de contrat avec le Centre Ouest Bretagne).
Concrétiser l’agenda rural européen
La richesse et la pertinence des questions abordées lors de la commission Europe du Parlement rural français viennent confirmer l’urgence de concrétiser l’agenda rural européen et de définir un socle commun pour mieux défendre les ruralités. Une avancée serait permise si chaque État membre élaborait son propre agenda rural, à même de répondre aussi bien aux enjeux de reconnaissance des territoires ruraux en espaces d’enjeu pour l’Union, qu’au renforcement de la coopération rurale-agriculture et à la réponse au déséquilibre rural-urbain. La France se montre en quelque sorte précurseur avec le rapport Ruralité : une ambition à partager, remis en 2019 au ministère de la Cohésion des territoires et qui sert de base à l’élaboration de son agenda rural.
Revoir la commission Europe du Parlement rural français :